« Il y a besoin de beaucoup de tolérance et de générosité de part et d’autre »

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Une maladie rhumatismale ne fait pas que bouleverser la vie de la personne directement concernée. Celle du·de·la partenaire, de la famille et des ami·e·s aussi s’en trouve fortement chamboulée. Dans une interview avec la Ligue suisse contre le rhumatisme, Martina Berchtold-Neumann, psychologue diplômée, explique comment des relations fondées sur le respect peuvent se construire.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Depuis trois ans, vous réalisez sur mandat de la Ligue suisse contre le rhumatisme des entretiens de conseils psychologiques gratuitsen allemand. Durant les entretiens, la charge pesant sur la famille est très souvent abordée. Quels sont les plus grands défis en la matière ?

Martina Berchtold
Martina Berchtold-Neumann, Psychologue diplômée

Martina Berchtold-Neumann : Le diagnostic d’une maladie rhumatismale chamboule la vie commune. Le membre de famille concerné n’est en général plus aussi fiable dans la réalisation de ses tâches quotidiennes. En général, la personne concernée a besoin de se ménager mais aussi d’un temps de régénération plus long, ce qui ne facilite pas la réalisation des tâches quotidiennes habituelles. Toute personne vivant avec une maladie chronique n’est plus aussi endurante qu’avant. Cela force à une répartition des tâches autre et demande une plus grande flexibilité, car il faut aussi s’adapter à la forme du jour. La routine s’en retrouve bouleversée.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Comment ces défis sont-ils relevés selon le type de relation ? Dans la relation de couple, entre enfant/parent ou dans une amitié ?

Martina Berchtold-Neumann : Dans une relation de couple sur un même plan d’égalité, ces modifications peuvent être appréhendées ensemble et les problèmes ainsi résolus. Cela demande un respect mutuel des besoins et intérêts des deux partenaires. La relation avec les enfants est un peu plus compliquée, car selon l’âge des enfants, le degré de compréhension peut être faible quant aux tâches du quotidien qui s’en retrouvent plus compliquées. Les enfants demandent du temps et de l’engagement, ils peuvent ressentir le retrait du parent malade comme un manque d’amour. Il y a là besoin d’une bonne dose de tact psychologique. Peu importe le type de relation, les personnes concernées devraient pouvoir s’exprimer le plus ouvertement possible sur leurs soucis et leurs souhaits. Ce n’est que de cette façon que leur entourage pourra comprendre les difficultés et s’y préparer en conséquence.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Est-ce que cela vaut dans l’autre sens aussi ?

Martina Berchtold-Neumann : Oui, bien sûr. Le·la partenaire en bonne santé doit aussi pouvoir exprimer ses souhaits, de même que la frustration personnelle, par exemple sur le fait que la vie a changé par rapport à avant. Ce sont des défis compliqués à relever qui peuvent être liés à des émotions telles que le deuil et la peur de la perte. Les deux parties doivent apprendre à parler de ces choses-là.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Souvent les proches se sentent impuissant ·e·s car ils·elles ne peuvent pas atténuer les douleurs de la personne concernée. Existe-t-il des conseils ou des stratégies pour gérer ce sentiment d’impuissance ?

Martina Berchtold-Neumann : Les proches ont souvent tendance à vouloir aider seul·e·s. Selon la qualité de la relation de couple, on se sent principalement responsable du « bien-être » de l’autre. Mais cela n’est pas si facilement gérable et il est important de chercher de l’aide pour organiser son quotidien. Que ce soit d’un point de vue purement pratique pour le ménage, les déplacements, et autres, ou du point de vue des contacts avec les physiothérapeutes et médecins, ou encore pour un soutien psychologique.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Comment les proches peuventils ·elles se protéger pour ne pas être dépassé·e·s par la situation ?

Martina Berchtold-Neumann : En déléguant un maximum de tâches du quotidien, comme je le disais plus haut, et en n’oubliant pas de prendre soin de soi. Je ne dis pas là qu’il faut être égoïste dans le sens négatif, mais plutôt savoir se consacrer à soi-même, se renforcer de façon préventive, rechercher des choses qui permettent de recharger les batteries pour s’organiser une vie saine.

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Ligue suisse contre le rhumatisme : Existe-t-il des offres de cours pour les proches ?

Martina Berchtold-Neumann : Autant que je sache, il existe des groupes d’entraide. Ils sont en partie accompagnés par des professionnel·le·s. Il faut sûrement chercher un peu jusqu’à trouver un groupe proche de chez soi. Le sujet n’est certainement que trop peu institutionnalisé. La problématique émerge peu à peu dans la société.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Comment les proches peuventils ·elles chercher de l’aide ?

Martina Berchtold-Neumann : En cas de maladie rhumatismale, les proches peuvent consulter les diverses offres des ligues cantonales et régionales, ou de la ligue nationale contre le rhumatisme. Des spécialistes donnent des informations sur les questions sociales, sur la maladie et plus encore.

Ligue suisse contre le rhumatisme : Quelles sont les règles de comportement les plus importantes à votre sens pour un bien vivre ensemble respectueux et bienveillant ?

Martina Berchtold-Neumann : Les personnes impliquées doivent chacune prêter attention aux souhaits et intérêts de l’autre. La personne concernée doit permettre à son·sa partenaire et ses enfants une vie la plus normale possible ainsi que leur laisser des libertés plutôt que de se cloîtrer dans un rôle de victime. Les personnes en bonne santé de l’entourage doivent quant à elles apprendre à faire attention, notamment à renoncer à certains projets si la situation le demande. Il y a besoin de beaucoup de tolérance et de générosité de part et d’autre. C’est un exercice d’équilibriste qui doit être renouvelé chaque jour.

Interview : Simone Fankhauser, paru dans forumR 1/2024

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