La fatigue chronique: conseils et découvertes

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Que font les personnes atteintes de rhumatismes pour lutter contre la fatigue chronique? Quelles activités ou traitements les aident à reprendre des forces?

On obtient toutes sortes de réponses à ces questions. Nous vous donnons quelques conseils et partageons nos expériences. Nous avons mené une petite enquête auprès de fibromyalgiques et l’avons complétée par des recherches et les appréciations actuelles des spécialistes de la médecine complémentaire:

  1. activité physique
  2. qi gong
  3. supplémentation
  4. alimentation
  5. entraînement en hypoxie
  6. coping et pacing

[1] Bouger sans se soucier de ses performances

On entend souvent qu’il faudrait faire plus de sport, et surtout de l’endurance ou du renforcement musculaire, pour combattre la fatigue.

Evidemment, ces conseils ne sont guère motivants pour les personnes aux prises avec une fatigue chronique. Plus la fatigue musculaire est intense, plus il est difficile de s’entraîner, car l’activité physique a besoin d’un métabolisme énergétique qui fonctionne, pour entraîner à son tour une réaction d’adaptation biologique selon le schéma: effort > fatigue > récupération > surcompensation, c'est-à-dire dans le but d'une restauration surcompensatoire de l'état énergétique de départ.1

Même sans vouloir performer à tout prix, le fitness reste associé à une idée d’adaptation, à la fois assumée et refoulée. Après tout, en anglais to fit ne signifie pas «être en forme», mais «s’adapter», selon le principe emprunté à la biologie de l’évolution «survival of the fittest», c’est-à-dire la survie du plus adapté.

Si l’on suit ce principe, les personnes aux prises avec une fatigue invalidante réagissent correctement lorsqu’elles écoutent leur intuition et refusent de se conformer aux attentes sociales, de s’adapter et d’outrepasser leurs propres sensations de douleur ou d’épuisement pour atteindre un objectif sportif.2

De nombreuses formes d’exercice s’intègrent facilement au quotidien, loin des pressions imposées par le milieu du fitness ou de l’anxiété de performance.3 En général, on recommande aux personnes souffrant de fatigue de bouger très souvent, régulièrement et lentement au lieu de s’entraîner rapidement et trop intensément une seule fois par semaine. Il vaut donc mieux faire une courte promenade ou une petite balade à vélo tous les jours que d’aller courir ou faire une randonnée le week-end. Les formes très légères de gymnastique, et surtout les styles de yoga doux comme le Luna Yoga, le yin yoga ou le tai-chi ou le qi gong, tous deux d’origine chinoise, sont presque toujours possibles.

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[2] Le qi gong

Le terme «qi» tire ses origines de la philosophie traditionnelle chinoise et est difficilement traduisible. Il décrit l’énergie subtile universelle et omniprésente qui remplit le cosmos et prend toutes sortes de formes: force naturelle, essence de vie. «Gong» décrit une aptitude que l’on développe en faisant des exercices réguliers et dont on peut acquérir une certaine maîtrise au fil du temps.

Le qi gong revient donc à travailler avec l’énergie pour s’aider à retrouver une bonne force musculaire, cognitive et émotionnelle. On apprend à conserver son qi, à le mobiliser, à le diriger en conscience et, ainsi, à remplir nos réserves d’énergie.

Lorsqu’on se met en quête de techniques de maintien du qi particulièrement efficaces, on finit immanquablement par tomber sur les exercices dits « secrets », transmis et bien gardés pendant des siècles au sein des monastères bouddhistes et taoïstes, jusqu’en 1980. Ils sont depuis enseignés publiquement en Chine et ont rapidement trouvé leur chemin vers l’Occident. Les exercices de base destinés à la colonne vertébrale pratiqués en Chan Mi Qi Gong4 et les exercices impériaux du Hui Chun Gong5 sont assez connus en Europe centrale. Etant donné que ces pratiques rassemblent surtout le qi dans le plancher pelvien, elles stimulent particulièrement bien les glandes génitales et la production d’hormones. On les considère donc comme des exercices de rajeunissement.

Le qi gong n’a pas son pareil pour nous faire retrouver et maintenir un bon équilibre énergétique. Les exercices secrets n’occasionnent presque aucune dépense énergétique et ne demandent ni maîtrise de la respiration, ni force, ni volonté. Les mouvements sont lents, doux, fluides, et on les réalise en étant bien ancré dans le sol. Ils ne donnent pas la sensation de s’être dépensé, mais plutôt d’être vivifié.

Bien que les guides et autres vidéos YouTube sur le qi gong et ses formes particulières foisonnent en ligne, il vaut mieux suivre des cours pour apprendre les mouvements correctement et éviter les erreurs. Vous trouverez des enseignants qualifiés dans l’annuaire des membres de Association Suisse pour le Qigong et le Taijiquan (ASQT).

[3] Les suppléments

Les vitamines C, D et B12, le zinc, le fer ou le magnésium sont couramment utilisés pour lutter contre la fatigue. Malheureusement, si ces suppléments sont pris en automédication, ils donnent rarement des résultats perceptibles.

C’est dommage, car suffisamment d’études basées sur des données probantes illustrent les bienfaits d’une supplémentation en micronutriments en cas de maladie chronique. En effet, les malades chroniques présentent souvent des troubles du métabolisme attribuables à des carences en micronutriments ou renforcés par celles-ci. Ainsi, des analyses réalisées sur des patientes atteintes de fibromyalgie ont révélé qu’elles présentaient, par rapport à des femmes en bonne santé ayant le même indice de masse corporel (IMC), des modifications significatives de leur métabolisme énergétique, du métabolisme des graisses et du métabolisme des acides aminés.6

De nouvelles données d’études montrent par ailleurs qu’il est judicieux de commencer par des préparations de multivitamines et minéraux, avant de passer à des vitamines spécifiques. Il est préférable de se laisser guider par une personne qualifiée, comme celles que vous trouverez dans le Registre de Médecine Empirique (RME). Les traitements métaboliques complets ne se contentent pas d’éliminer les carences individuelles ; ils agissent aussi sur le foie et les reins en favorisant l’excrétion des substances toxiques et néfastes. Ils comportent parfois aussi des mesures de nettoyage (de l’intestin, des dents et de la mâchoire).

[4] L’alimentation

L’alimentation et la fatigue chronique sont liées l’une à l’autre. La Société suisse de la sclérose en plaques a récemment rendu compte d’une analyse menée auprès de plus d’un millier d’ensembles de données tirées du Registre suisse de la SEP.7 D’après ces résultats, une alimentation saine est associée à une diminution de la fatigue.

Dans le cadre de cette étude, une alimentation saine était caractérisée par une grande consommation de fruits, de légumes, de légumineuses, de noix et de substituts de viande. On l’a comparée à une consommation élevée de viande, de saucisse, de charcuterie, de pain, de céréales et de plats sucrés.

Les résultats correspondent aux autres données de la littérature internationale sur l’influence qu’ont les habitudes alimentaires et la consommation de boissons sur la fatigue chronique. Même si les sociétés du domaine de la nutrition et de la diététique restent prudentes, on peut tout de même en déduire quelques conseils généraux, recommandés par les médecins.8

  1. Adoptez une alimentation équilibrée et riche en nutriments. Consommez beaucoup de légumes, des protéines et une quantité suffisante d’acides gras, surtout des oméga-3. Les graines de lin, de chanvre, les noix et les poissons comme la truite, le hareng, le flétan, le saumon, le maquereau, la sardine et le thon sont d’excellentes sources.
  2. Prenez de petits repas réguliers pour maintenir votre glycémie et approvisionner votre corps en énergie. Evitez les grosses portions, qui demandent beaucoup d’efforts à digérer.
  3. Tenez un journal alimentaire dans lequel vous consignerez vos repas et leurs effets sur votre état. Evitez les aliments qui provoquent une intolérance, avérée ou suspectée.
  4. La déshydratation peut aggraver la fatigue. Par conséquent, buvez au moins 8 verres ou un litre et demi d’eau ou de tisane non sucrée par jour.

Vous pouvez aussi faire appel à un diététicien, qui examinera votre alimentation, vous conseillera en cas d’intolérance (suspectée ou avérée) et vous accompagnera dans vos nouvelles habitudes. Les caisses-maladie suisses prennent en charge les coûts d’un conseil diététique prescrit par un médecin.

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[5] L’hypoxie

Le terme «hypoxie» signifie «manque d’oxygène». L’emploi d’air pauvre en oxygène dans un environnement contrôlé est courant et se nomme «entraînement en altitude» en médecine du sport. Les séances ont lieu en conditions réelles ou dans un lieu qui les simule. L’hypoxie active le métabolisme énergétique dans les mitochondries (de minuscules centrales énergétiques cellulaires).

Les mitochondries utilisent l’oxygène pour transformer le glucose et les acides gras en molécule d’énergie, l’ATP. Ce processus libère toujours des radicaux libres, agressifs et très réactifs, qui endommagent la substance héréditaire mitochondriale. Ces dommages, et la baisse de la production d’énergie qui les accompagne, se font sentir entre 30 et 40 ans. La force physique diminue, la peau perd en élasticité, la vue et la transmission des influx nerveux baissent.

Un entraînement en hypoxie lutte contre ces processus de vieillissement. Il est répandu sous sa forme thérapeutique, l’entraînement hypoxique intermittent (ou IHHT, pour intermittent hypoxic hyperoxic training). L’alternance de l’hypoxie et de l’hyperoxie (manque et excès d’oxygène) détruit les vieilles mitochondries endommagées et accélère la production de nouvelles mitochondries saines.

Voici comment ça marche: les variations de l’apport en oxygène augmentent la quantité de radicaux libres et exercent un stress sur les mitochondries. Les mitochondries saines sont capables de se protéger du stress oxydatif grâce aux antioxydants, mais pas les mitochondries plus anciennes, qui sont alors massivement détruites. Cette hécatombe (la mitoptose) provoque une carence en énergie cellulaire temporaire qui signale au corps d’accélérer la production de nouvelles mitochondries.9

L’entraînement en hypoxie est étayé par la recherche fondamentale.10 La découverte des mécanismes moléculaires grâce auxquels les cellules détectent le taux d’oxygène et y réagissent a même valu à son détenteur le prix Nobel de médecine 2019.11 Malheureusement, il n’existe que des comptes rendus d’expérience (preuves anecdotiques) sur l’efficacité du traitement en cas de fatigue musculaire, cognitive et émotionnelle. C’est pour cette raison que les caisses-maladie suisses ne le reconnaissent pas.

Vous trouverez d’autres informations sur l’entraînement en hypoxie (aussi appelé «entraînement cellulaire») dans des centres médicaux et cabinets spécialisés. La Ligue suisse contre le rhumatisme n’est pas en mesure de fournir des recommandations à ce sujet.

[6] Le coping et le pacing au moyen d’un journal de l’énergie

On recommande aux personnes atteintes de cancer de consigner scrupuleusement leurs niveaux d’énergie et d’épuisement, car la fatigue est un effet secondaire fréquent des chimiothérapies et des radiothérapies, et elle persiste dans 30 % des cas.12 Presque tous les modèles de journaux proviennent donc de l’oncologie, mais ils peuvent aussi être utilisés en rhumatologie.

L’idée derrière un journal de l’énergie est de tirer profit des méthodes de coping et de pacing pour éviter le stress, développer des stratégies pour faire face à la situation (coping), répartir les réserves d’énergie disponibles et structurer le quotidien (pacing).

En fonction du modèle choisi, vous notez, le matin, le nombre d’heures que vous avez dormi et la qualité de votre sommeil. Durant la journée, vous consignez une fois par heure (si possible) vos activités, votre niveau d’énergie, l’intensité votre épuisement, et d’autres symptômes. Une ou deux semaines suffisent bien souvent à identifier des schémas : quelles mesures ou résultats accentuent ou diminuent votre épuisement? Quand gaspillez-vous votre énergie? Quand gagnez-vous en énergie?13

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Vous trouverez les modèles correspondants en ligne, en tapant les mots clefs «journal d’énergie» ou «energy diary». La Ligue suisse contre le rhumatisme a par ailleurs créé son propre modèle de journal combiné de la douleur et de l’énergie. Vous trouvez davantage d’informations sur son emploi et le lien de téléchargement ici.

Révision technique

Sybille Binder, diététicienne, dipl. HES, Institut für integrative Naturheilkunde NhK [3, 4]
Thomas Binzegger, professeur de qi gong et de tai chi ASQT, DONGDAO, Cham [2]
Dr Heinz Lüscher, médecin praticien FMH, spécialiste des substances vitales Wise Medicine, Swiss Integrative Clinic, Winterthur [5]
Djurdja Petrina, professeure de qi gong et thérapeute de la respiration balance place: praxis für kraft, ruhe und entspannung, Zürich [2]
Martina Rothenbühler, physiothérapeute, Ligue suisse contre le rhumatisme [1, 6]

Auteur: Patrick Frei, Ligue suisse contre le rhumatisme
Traduction:
weiss traductions genossenschaft, Zurich
Publication:
15 septembre 2023

Remarques

  1. Hölkte, Volker: Grundlagen und Prinzipien des sportlichen Trainings (2003), PDF à télécharger. p. 9-13.
  2. Schleip, Robert & Jäger, Heike: Interozeption, in: Schleip, Robert, Findley, Thomas W., Chaitow, Leon, Huijing, Peter A. (Hrsg.): Lehrbuch Faszien. Amsterdam, München 2020, p. 64-68.
  3. Bowman, Katy: Bewegung liegt in der DNA. Wie man lernt, sich wieder natürlich zu bewegen, und dadurch gesund wird. München 2016. La biomécanicienne explique aux pages 65-75 pourquoi il faut arrêter de voir le fitness et le fait de bouger comme des synonymes.
  4. Liu Han Wen: Chinesisches Chan Mi Qi Gong. Das ganze Buch. Lohne 2019. – Stummvoll, Ursula: Chan Mi – QiGong. Das Wirbelsäulen-Qigong aus der buddhistischen Zen- und tibetischen Mi-Schule. Hainsacker 5. Aufl. 2016. – Jiang, Monika C.: Chan Mi Qi Gong. Durch einen gestärkten Rücken zu innerer Harmonie. Stuttgart 2006.
  5. Bian Zhizhong: Daoistische Übungen für die Gesundheit, Rödermark 2016. – Mok Chong Meng und Shen Xin Yan: Huichungong. Das Verjüngungs-Qigong: Die erste Stufe der Stehenden Methode. Lohne 2017. – Hackl, Monnica: Jung und schön mit Hui Chun Gong. Die geheimen Verjüngungsübungen der chinesischen Kaiser. München 2002.
  6. Menzies et al. Metabolomic Differentials in Women With and Without Fibromyalgia. Clin Transl Sci 2020 Jan;13(1):67-77; DOI: 10.1111/cts.12679
  7. Schweizerische Multiple Sklerose Gesellschaft: Welche Ernährungsmuster können sich positiv bei Fatigue auswirken? (29.11.2021) Consultable sur ce lien. Dernière consultation le 12.09.2023.
  8. Dr. Armin Hassdenteufel: Ernährung bei Fatigue Syndrom & Chronischer Erschöpfung (08.05.2023). Consultable sur ce lien. Dernière consultation le 12.09.2023. – Selpers: Wie die Ernährung die Fatigue beeinflussen kann (09.10.2016). Consultable sur ce lien. Dernière consultation le 12.09.2023.
  9. Prokop, Arkadi: Zelluläre Kraftwerke natürlich reparieren. CO.med Fachmagazin für Komplementärmedizin 11/08. PDF à télécharger sur ce lien.
  10. Eckert N, Grunert D, Lenzen-Schulte M. Wenn Zellen ausser Atem kommen. Dtsch Arztebl 2019; 116(41): A-1820/B-1502/C-1474. PDF à télécharger.
  11. Egorov, Egor: Zell-Training. Mit Hypoxie entspannt mehr Energie gewinnen. Berlin 2021. Consultez aussi le site web de l'auteur (en allemand): https://doc-egorov.com/
  12. Hirnstiftung: Immer erschöpft: Welche Behandlung gibt es bei Fatigue? Consultable sur ce lien. Dernière consultation le 12.09.2023.
  13. ME/CFS-Portal: Pacing und Coping – Energiemanagement (02.06.2012). Consultable sur ce lien. Dernière consultation le 12.09.2023.

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